Comme on lui demandait un jour sil navait pas été tenté de varier son style, Jean dOrmesson répondit quil était au contraire heureux davoir pu rester identique à lui-même. «Cest pour cela, précisait-il, que vous retrouverez, par clin dil et comme une marque de fabrique, dans chacun de mes livres un passage dun livre précédent.»
Le lecteur découvrira ces discrets rappels dans les quatre ouvrages ici réunis et dont cest la première vertu dun tel recueil lunité saute aux yeux : la préoccupation essentielle de lauteur et de ses personnages, le trait commun à toutes les histoires auxquelles ceux-ci donnent vie (récit dune jeunesse, histoire dun Empire, histoire dune famille, histoire sans fin des pérégrinations du Juif errant), cest le temps. Le temps qui dure, le temps qui passe, celui contre lequel on remporte parfois des victoires plus ou moins éphémères : «Il ny a quune chose sous le soleil qui mette un terme, pour un temps, à lécoulement perpétuel : cest lamour.»
Entré en littérature pour des raisons (selon lui) «douteuses», Jean dOrmesson a construit une uvre sur le «mélange du temps historique et du temps individuel», en héritier de Chateaubriand («Chaque âge est un fleuve qui nous entraîne
») mais aussi, peut-être, de Borges : «La croyance générale a décidé que le fleuve des heures le temps sécoulait vers lavenir. Imaginer un sens contraire nest pas moins raisonnable et en tout cas plus poétique.» Établi en lien avec lauteur, préfacé par Marc Fumaroli, ce volume propose en outre, grâce à Bernard Degout, des notices retraçant la «carrière» des ouvrages inscrits à son sommaire, et de nombreux documents aujourdhui inaccessibles, comme le magnifique article par lequel Jacques Le Goff salua en 1971 La Gloire de lEmpire, «uvre pionnière» marquant la naissance de «l''histoire-fiction».