Une jeune femme sans nom arrive sur une île, en été.
Elle traverse en autobus un paysage aride jusqu'à une plage où elle est déjà venue avec un ami. Elle se souvient d'une grotte où ils se
«J'aimais la voix traînante de Léa, ses cheveux roux, son incroyable vitalité. Nous nous comblions, est-ce qu'on peut dire celaoe Se combler, comme deux pièces de puzzle qui s'ajusteraient parfaitement, mais ne viendraient pas de la même boîte. Que nous est-il arrivéoe Où sont passées les deux amies perchées sur le tabouret du photomaton, les petites filles amoureuses, les adolescentes en colèreoe Il faudrait retrourner dans la cabine, glisser une pièce dans la fente pour obtenir l'image vivante, la preuve tangible de cette force qui nous habitait. Au lieu de ça, un rideau se lève, et c'est Léa qui apparaît. Léa et son nouveau métier, rue Saint-Denis. Léa et ses bras troués. Il n'est pas besoin d'aller très loin, parfois, pour être dans un autre monde.»
Si l'on admet qu'un danseur danse non seulement avec son corps, mais aussi avec son imaginaire, reposons les questions simples qui sont à la base de ces monologues. Que se passe-t-il dans la tête de celui qui danse, pendant les répétitions et pendant le spectacle ? Comment pense-t-il ses gestes, quels mots servent d'appui à sa chorégraphie ? Comment les mouvements sont-ils perçus, de l'intérieur ? D'où viennent-ils ? Quelles sont leurs histoires, et que voit le danseur pendant qu'il est sur la scène ? Voit-il cette femme au troisième rang qui tripote son collier de perles ? Remarque-t-il que son voisin regarde sa montre ? Des textes qui coulent, comme de la musique, pour cultiver ce que la danse contemporaine affirme depuis une vingtaine d'années : la différence des danseurs au-delà des critères esthétiques et des figures imposées.
« Mon père a trouvé la mort un vendredi soir. Son Aston Martin s'est écrasée contre le parapet d'un pont. Je n'étais pas dans la voiture. J'avais 5 ans. De lui, il me reste peu de souvenirs, et quelques trésors : une montre qui sonne les heures, un stylo dont la plume penche à droite et cette carte postale, où il me demandait en lettres capitales : QUE DIT LA REINE DU SILENCE ? Cette phrase posait une énigme impossible à résoudre pour la petite fille que j'étais, énigme cruelle et envoûtante qui résume toute la difficulté du métier d'enfant. Énigme qui, à l'époque, se formulait ainsi : Que pourrait bien dire la Reine du silence sans y perdre son titre, et l'affection de son papa ? Ou encore : comment, à la fois, parler, et ne pas parler ? J'étais coincée. Prise au piège de l'intelligence paternelle. » Marie Nimier ose avec ce nouveau livre s'attacher à la figure de son père, Roger Nimier. Elle explore l'amas de tôles froissées, interrogeant avec gravité le destin de cet écrivain que ses amis décrivent tour à tour, et parfois simultanément, comme un être désinvolte, sérieux, menteur, loyal, tendre, indifférent et malhabile de ses sentiments comme on est maladroit de ses mains.
" Cette gamine, je l'aimais bien. J'aimais sa façon de parler, en vous regardant droit devant. Et de bouger aussi, embarrassée par ce corps qui la dépassait de quelques années. Alors quand la directrice de l'école nous a réunis pour nous présenter le commissaire de police chargé de l'enquête, ça m'a fait un choc. Magali Lescure avait disparu. Elle était sortie la veille pour se rendre à son cours de danse, et depuis, on était sans nouvelles.