Jean-Claude Lebrun (L’Humanité, 14 février 1997) Jean-Philippe Toussaint en janséniste rigolard Ce divertissement qui fait écran à la pensée Jean-Philippe Toussaint n''avait pas publié depuis six ans, au cours desquels il mit en scène deux de ses précédents romans. Avec La Télévision, il effectue un retour marquant, tant son livre apparaît drôle et plein. Avec, au bout du compte, l''un de ces grands rires, par lesquels toute subversion commence. « Avec La Réticence, publié en 1991, Jean-Philippe Toussaint nous avait quelque peu laissés sur notre faim. Comme si l''écrivain subtil, malicieux et virevoltant de La Salle de bain ou de L''Appareil-photo s''était forcé à une manière de retrait. Aujourd''hui, La Télévision renoue magistralement avec cette veine, en portant à une sorte de point de perfection l''équilibre entre cocasserie et esprit de sérieux. Au long d''un récit d''apparence loufoque, agencé comme une véritable mécanique à gags. Où le burlesque et l''absurde fonctionnent comme de puissants leviers de sens. Sans doute bien davantage qu''une dérision fort prisée ces temps-ci mais qui ne remet pas fondamentalement en cause le mouvement général des choses. Alors que non-sens et effets d''étrangeté recèlent des vertus autrement ravageuses. Qu''on relise, sur ce chapitre, les lumineuses analyses de Mikhaïl Bakhtine, pour qui le rire constitue l''une des sources historiques du roman. Depuis six mois, en ce début des années quatre-vingt-dix, le narrateur, un historien d''art bientôt quadragénaire, ne regarde plus la télévision. Du moins celle, grand format, dont l''écran reste vide d''images, dans l''appartement berlinois qu''il occupe avec sa femme et son petit garçon. Sa décision, douloureuse mais i