« C''était plein à craquer, des maçons, des peintres en salopettes prenaient le pousse-café au comptoir où nous attendions que se libère une table. Le menu était affiché à la craie sur un des miroirs, ce jour-là c''était une blanquette de veau. Papa portait une veste en velours et un béret serré comme celui d''Auguste avec bien évidemment une chemise à carreaux. On ne dépareillait pas du tout dans le restaurant où, très vite, on avait trouvé à s''asseoir. Les deux ouvriers à la table à côté ont regardé les mains de Papa, tachées de couleurs diverses, ces mains dont il disait souvent qu''elles étaient imprégnées jusqu''à l''os. Il avait alors plus de soixante-dix ans, mais avec son allure énergique et l''impression de puissance qui émanait de lui, il pouvait très bien passer pour un peintre en bâtiment. - Vous avez un chantier dans le coin ? demanda l''un deux. - Je refais un plafond à l''Opéra, répondit mon père, attaquant son œuf dur mayonnaise. »